J'ai honte de ce froid, de cet hiver que vous vous acharnez à prolonger jusqu'à la vilenie.
Cela fait plus d'un an que, jour aprés jour, ce froid et cet hiver envahissent les villes et les campagnes de notre pays, autrefois pays d'espoir et de vie.
C'est en ma qualité de citoyenne française, plus que jamais attachée à la liberté, à l'égalité et à la fraternité que j'ai le devoir de vous rappeler que vous n'avez pas , Monsieur le Ministre, le droit de vie ou de mort sur des hommes et des femmes ou des enfants qui travaillent, vivent, étudient ici en France, pays aujourd'hui déshonoré.
Ma honte et notre déshonneur dont vous êtes l'un des grands responsables deviennent plus profond quand je me souviens de ce moment fraternel sur un quai de Marseille après la guerre en Algérie.
Nous faisions file pour embarquer sur "El Djezaïr" , je me rendais dans ce pays, devant moi un travailleur algérien revenait passer ses vacances au pays, il s'est retourné vers moi, a ouvert ses bras et m'a dit : "Soyez la bienvenue en Algérie".
Monsieur le Ministre, la honte est une affaire de coeur, le déshonneur une affaire civile, je pense à ce monsieur algérien et j'ai honte, j'ai honte aussi pour vous qui refusez à son fils ou sa fille d'être mon voisin ou ma voisine.
Vous déshonorez à coup de furtives lois minables le sens de la République et de ma civilité.
Je ne vous salue pas, il fait très froid cet hiver."
Une lettre de Paula Albouze lue par Jeanne Moreau.Paula Albouze