Tout d'abord, et compte tenu de ce que nous savons déjà du "milieu" et dans lequel le présent cartésien est ce qu'il est, Descartes (1596-1650), passez-moi l'expression, mais joue sur des œufs, et ce, compte tenu d'une mainmise sur les corps et sur les esprits par l'Eglise du XVIe siècle. « ça passe ou ça casse »…
Nous pourrions commencer cette petite autant qu’imparfaite exploration par la vision que nous en avons aujourd'hui et sous un angle double à mon sens. Ce, au travers du prisme dualiste latent, à savoir de "l'étendu et de l'inétendu" qu’est d’une part la chose et de l’autre l’esprit, mais peut-être et surtout de la finalisation du "je" en tant que "je suis" en l'occurrence puique je doute : « Mais qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. »
Le premier angle, "horizontal" et qui nous présente Descartes dans son temps, avec la peur qui peut le caractériser (peur de s'attirer les foudres célestes principalement comme une réplique de l'affaire Galilée, entre autre des Giordano Bruno, des Copernic and co ; mais aussi comme on peut, à loisir, sans rendre compte dans les « objections » avec Hobbes ou Gassendi et pour n’en citer que ces deux, mais que l’on connaît pour n’être pas des plus Idéalistes...) ; peur de n'être tout simplement pas compris, par ses contemporains et parce qu'il a, lui aussi, ses propres "fantômes" ; de n’être pas certain de ses propres conclusions peut-être, car il le dit lui-même, n’être pas un « Dieu » (eu égard à ses propres déterminismes, n'est-ce pas)… Il n’a, par conséquent pas la totale "liberté" de son mouvement vital (ce, même s’il est, on le sait aussi, privilégié par son existence « sociale » aisée) et comme celle de la jeunesse par exemple comme le pouvait en faire montre, et pour n'en citer qu'un, La Boétie lorsqu’il dénonçait la tyrannie, bien sûr, mais surtout la bêtise, et aux dires de Montaigne, pour ne pas parler de la couardise du peuple ce, par l'expression de sa "servitude volontaire (La Boétie n’avait pas 18 ans) ...; mais aussi, ce second angle qui lui, est lié évidemment au premier, mais disons plus "verticalement" et d'un point de vue historique.
Celui là donc, a trait à l'histoire et à ces interrogateurs, nous organisant la visite comme le ferait un "gentil organisateur" dans l’espace d’un circuit touristique. Ici l’Idée de Platon, là celles d’Aristote et de Plotin et à côté desquels se trouve assis, tout prêt Ockham, d’Aquin ou Augustin, puis Leibniz, Spinoza ou encore Malebranche et à titre de seuls exemples ici…, bref l’arbre des idées et la grande roue de la Vie… Tentant de s'intéresser aux morts et à d'autres époques en appelant ou plutôt en interpelant la « mémoire historique » et, voulant essayer le même costume (comme le dirait sûrement Bergson) de quelque historicité à ses contemporains hébétés autant qu’éberlués, bref.
Descartes, au delà d’être un « magicien de la métaphysique » est un petit génie de la politique, et il ne mourra pas brûlé !
Après cette courte introduction que nous pourrions définir de « sociologico-historique », intéressons-nous à l’œuvre des « Méditations » cartésiennes. Il semble que rien ne soit plus pratique que de partir du principe de sa méthode elle-même.
Partant donc de sa 1re Méditation (« des choses que l’on peut révoquer en doute »), Descartes va s’attacher dans un premier temps à interroger sa mémoire et sur ce qui, pour lui, peut ou ne pas être d’ailleurs mais disons essentiel à faire émerger à la surface de son « temps présent ». Non, sans se servir de nos connaissances actuelles, en l’occurrence, mais sans préjugé et ce qui serait par trop anachronique, n’est-ce pas, si elles devaient rejaillir dans l’interprétation, car la faussant à coup sûr.
Partons alors du principe, donc, qu’il faille réfuter toutes choses par le concert d’un doute exagéré, outrancier serait plus juste, que Descartes nomme le « doute hyperbolique » [et oui, on ne se refait pas, il est mathématicien rappelons-le]. Chose qu’il ne faut par dessus tout pas confondre avec le « doute septique » des sceptiques justement car Descartes cherche la « certitude de la vérité, la véracité matériellement sûre, la très précisément toute rationnelle et certaine vérité » et comme toute autre entreprise scolastique (en substance, n’est-ce pas) , il en va de sa démonstration d’être novatrice et cohérente dans son temps...
Cet exercice le conduisant tout naturellement, et si nous en jugeons celui ci par le prisme de l’idée méditative, à la seconde méditation (« de la nature de l’esprit humain et sa priorité sur celle du corps »). [Il est à préciser qu’il peut être intéressant de faire une incursion avec l’idée du « rêve » bergsonien et en parallèle quand l’illusion se fait réelle parce que l’esprit ne peut affirmer dans le rêve qu’il ne rêve pas. [C’est Freddy Krueger qui serait heureux…].
Simplement par le fait que « renoncer à ses préjugés personnels » peut nous conduire, alors, à un état de parfaite harmonie (l’ »harmonie » chez Bergson toujours étant l’Art par excellence et que le temps comme il est trop souvent perçu, en tant qu’espace spacio-temporel, ne peut arrêter ; le mouvement que l’on ne peut interrompre au risque de corrompre l’ensemble musical, le sens détourné de son objet…) avec notre « pure durée » et ce, si tant est que nous l’envisageassions alors et en amont, et en tant que perspective causale possible sur la compréhension du réel…
Mais voilà que déjà surgit déjà ce démon et en la personne du « malin-génie » puisque comment ne pas se mettre à douter, alors, de nos conclusions seules, et sur lesquelles notre conception s’est arrêtée ? Quand la « bougie » est étendue, nous le savons, puisque « Dieu » est parfait, comment nous serait-il possible de douter de cette évidence sensible, et qui se manifeste devant nous, dans toute la réalité de ce corps étendu ; la bougie reste la bougie cela même si elle modifie sa représentation et lorsque les évènements sensibles font qu’ils modifient la vision que nous en avons dans notre perception. Ne serait-ce que simplement visuellement ou sensiblement, la bougie existe bien mais sans nous pour la voir, là est la question…
Descartes parvient alors à justifier sa propre existence, sa propre individualité. L’esprit étant tout disposer à se différencier de son enveloppe en tant que sa matérialité. Le « je » devient « ego », a conscience d’être, sans pour encore le définir comme tel, mais en en prenant la pleine mesure et de ce qui va le mieux définir dans son autonomie conceptualisée. C’est l’esprit et dans l’idée que nous en avons la perception, et qui conçoit la bougie et non le contraire, l’objet qui se ferait jour par je ne sais quel instrument, je ne sais quel esprit invisible autant que malin.
Les mathématiques sont à présent reléguées presque à l’état second et derrière celui qui les conçoit. Le « subjectif » prend le pas sur l’ « objectif » (le sujet sur l’objet) sans en concevoir pour autant toutes les implications, mais en questionnant déjà la matière et surtout, sans devoir en rendre compte par quelque injonction extérieure (quelque Eglise toute omnipotente), qui peut dorénavant envisager de chercher des réponses, et qui ne soient pas « simplement » révélées, chercher et rechercher dans une nouvelle quête des vérités terrestres... [L’Eglise a du souci à se faire avec son « salut »]
Le point de départ de la « pensée radicale cartésienne » est pour ainsi dire donné ! L’œuvre de Descartes est lancée, où « Du discours de la méthode » à ses travaux physiques et mathématiques (optiques) et autres observations cosmologiques, en passant par les très importantes et décisives « Règles pour la direction de l’esprit», les « Méditations » peuvent être considérées comme le lien qui unifie toute son entreprise et ce, tant scientifique que métaphysique.
Dorénavant, rien ne saurait arrêter la jeune et « évolutionnaire » marche en avant de la « Renaissance » que la scolastique et l’Eglise alliées à un Moyen-âge moribond, mais encore tenace dans les esprits de son temps, mais aussi d’une sophistique (scolastique) élaborée avec logique voudraient préserver et faire perdurer encore longtemps (bien que le MA en effet prenne fin en 1453, avec la fin de la guerre de cent-ans, l’impression de la 1re bible à Mayence et la chute de l’Empire romain d’Orient)…
Cette « marche » en-avant commencée est celle de la Connaissance bien sûr mais aussi celle de la Vie et que l’on ne peut domestiquer ou réfréner. Les fondements des Règles sont dorénavant maîtrisés si je puis dire. « L’objet des études doit être de rendre l’esprit capable d’énoncer des jugements solides et vrais sur tout ce qui se présente à lui »(cf. Règle 1°)
Mais Descartes y-veut mettre bon ordre (l’ordre des raisons) et dans une association véritable qui, pour se faire, sans trop de réticences et de la part des maîtres de ce monde en mutation (l’Eglise), va y jeter de la « poussière d’anges », dressant ainsi l’écran de fumée encore indispensable, dans une époque où les raies de la « lumière naturelle » ont du mal à se frayer un chemin, et du fait d’un obscurantisme quasi généralisé du vieux monde occidental. « De Dieu, affirmation de son existence.".
Se servant alors de la logique définie dans les Règles ou le Discours, Descartes n’a qu’à se faufiler dans les vérités déjà posées (divines). La « vérité » des Méditations ne peut que se consolider encore, sur les fondements de son œuvre, [sur des fonds baptismaux alors, où « Dieu » aurait alors, peut-être, à laisser baptiser différemment les hommes par un clergé moins « inquisiteur »...
Au delà de l’ esprit-saint, « L’esprit » humain est enfin « aperçu » et ce, grâce au « doute » qui n’était, lui, que provisoire, on le sait à présent (puisque ce n’était qu’un prétexte).
Ainsi distingué de son enveloppe corporelle, l’âme de la matière, il en est la « vérité » première sans lequel (l’esprit) et laquelle (la vérité) rien n’est possible de concevoir comme vrai ; aucune chose ne peut donc exister qu’à partir du moment où l’esprit sait et ce qu’il est lui-même, et qu’il est par conséquent juste et précis que de concevoir la chose comme elle est…Bergson lui parlerait sûrement d’Alain et lorsqu’il nous dit dans « La pensée et le mouvant » que, je cite « savoir, c’est savoir que l’on sait ».
La chose est « vraie et distincte » parce que l’esprit de l’observateur a conscience de son existence donc, parce qu’il a convenu qu’il fallait en passer par la soustraction de lui-même du doute, préalable à toute observation extérieure. L’esprit c’est donc « aperçu » en train de douter de la véracité de toute chose, ce qui l’a convaincu de son existence propre.
Mais alors et en cela, il a admis par le fait que l’esprit était distingué de son enveloppe charnelle et que les sens trompaient seulement et auparavant. Puisque je suis intimement persuadé à présent que je suis « esprit » avant même de concevoir un corps, je suis en mesure d’établir que Dieu existe car c’est grâce à son intervention qui m’a fait à son image, « parfait en quelque sorte ». Tout au moins qui m’a permis sans me tromper de me trouver tel que je suis… Mais pour quelle raison ? Et bien simplement parce qu’il ne peut me tromper étant « parfait », il m’a en effet permis cette certitude que je suis.
Et si je suis dorénavant et également responsable que de me concevoir à présent comme toutes choses étendues et inétendues, c’est bien parce que j’ai pu faire « table rase » de mes préjugés antérieurs et parce que « Dieu » est parfait ; seul, je suis à présent pour ma part laissé entièrement libre de mes erreurs. C’est-à-dire, qu’il m’a permis l’erreur parce que je suis « moi », « fini » en tant que corps mais que je suis également « infini » dans ma perception singulière et particulière de le connaître, de le savoir existé lui qui est parfait.
Je suis à présent et à la fois une chose qui pense (res cogitans) mais qui peut aussi se tromper, et à la fois une chose étendue (res extensa) et qui est de fait perfectible (parfaitement imparfaite), bref. Mais si je laisse mes sens me dicter ma conduite et cheminer dans l’égarement de ces sens, alors je fais erreur car mes conclusions, mes idées sont à la fois dépourvues de clarté et si peu distinctes que je ne sais plus distinguer le vrai du faux. Et c’est « Dieu » qui me permet alors de distinguer clarté et distinction dans mes spéculations.
Le tour est joué pour ainsi dire, l’affaire est entendue ! Descartes parvient à l’assurance que les choses de ce monde peuvent être dominées par l ‘esprit comme des choses étendues dans les trois dimensions physiques (hauteur, longueur et largeur). La nature des choses étant alors définies et garanties par l’existence divine, il ne reste plus qu’à s’assurer de nos perceptions définitivement, mais de cela il semble qu’il est encore matière à erreur : le libre-arbitre est-il de ce monde…
Mots clefs : Dieu, doute, méthode, règles, dualisme, science, mathématiques, mécanisme, innéisme, cogito, morale et passion.
Plan de l’ouvrage :
· Introduction. De J.-M et M. Beyssade suivie de "note sur le texte de l'édition".
"Préface de l'auteur au lecteur", i.e. partant de la version latine dans l'édition française de 1647 et "Le libraire au lecteur" de la même année.
"Abrégé des six méditations suivantes"...
"Méditations touchant la première philosophie- dans lesquelles l'existence de Dieu, et la distinction réelle entre l'âme et le corps de l'homme sont démontrées,
- Première méditation " Des choses que l'on peut révoquer en doute",
- Méditation seconde " De la nature de l'esprit humain; et qu'il est plus aisé à connaître que le corps",
- Méditation troisième " De Dieu, qu'il existe",
- Méditation quatrième " Du vrai et du faux",
- Méditation cinquième" De l'essence des choses matérielles; et, derechef de Dieu, qu'il existe",
- Méditation sixième " De l'existence des choses matérielles; et de la réelle distinction entre l'âme et le corps de l'homme."
- Objections 1.2.3.4. et 5 suivies des réponses de l'auteur...
- Lettres et objections 6 et 7 et réponses...
- Bibliographie et Chronologie.
Biographie :
Règles pour la direction de l'esprit (1628),
Discours de la méthode (1637),
Méditations métaphysiques (1641),
Principes de la philosophie (1644),
Traité des passions de l'âme (1649).
· Autres Travaux de l’auteur
- la Dioptrique
- les Météores
- la Géométrie
Sources :
- Encyclopédie Universalis, et son lien
http://www.universalis.fr/encyclopedie/rene-descartes/
- Gallica, et son lien
- Vocabulaire technique et technique de la philosophie -d'André Lalande,
- images Google pour les illustrations de René Descartes (photo et ouvrage).