Une LGV, dans l'état actuel, n'est pas synonyme de progrès !
LE TRAIN DE LA PEUR
Qui , quel élu de la République "de proximité", quel intellectuel, quelle personnalité public, en vogue ou anonyme respectable, en ce début de XXIe siècle, en occident, en France, en Région, pourrait encore prendre le risque d'être pris pour un Républicain, pour un citoyen qui refuse le progrès ?
Quel serait encore cet individu, qui, au nom de quelque principe de précaution, conviction écologique, politique, philosophique, positive et autre crainte naturelle refuserait à son territoire toute chance de progresser par l'avancée que lui prodiguerait la technologie et la science positive en l'occurrence ?
Le développement d'une région doit-il forcément faire appel à la croissance économique ; la modernité à l'investissement utile ; l'aménagement du territoire aux intérêts supérieurs ?
Comment arriver à évaluer, à modérer le "modernisme", le progrès, tout en conservant à la fois toutes les diversités qui sont souvent liées à un territoire, l'équilibre naturel ou "humain" souvent sensible, voire rendu précaire parfois de ce dernier (ruralité, désertification...) sont autant de questions qu'on ne peut manquer de se poser si l'on veut rester censé, tout au moins raisonnable ?
Une question cependant me taraude, à l'époque où les services publics, disons de proximité, sont sacrifiés, comme variable d'ajustement, sur l'hôtel de la rentabilité, c'est celle qui consiste à penser si le défit majeur du progrès n'est pas relégué, parfois, au second plan, et après celui du dogme, de la doctrine politique !
Car, inutile de se le cacher, l'ère est bien celle du néo-libéralisme, voire à celle de l'ultra-libéralisme, et point encore à celle de la recherche du bien-être du plus grand nombre et à la proximité.
Alexis de Tocqueville reste bien d'actualité, quand "hier" (1850), député et chef du Conseil général de la Manche avant de devenir Ministre des affaires étrangères, conservateur, colonialiste mais contre l'esclavagisme (mais qui n'était pas pour l'expansion et le nationalisme au XIXe siècle ?), outre ses sensibilités pour le "libéralisme" et son aversion pour le "socialisme"(du moins contre l'idée de tout collectivisme) ou la décentralisation, il défendait sa stratégie de faire accepter une ligne de chemin de fer en direction de la capitale.
L'idée (1) :
Dans la création d'une ligne Paris-Cherbourg (1844-1846), "reliant un port d'eau profonde à la capitale, il se défend contre une simple logique économique, liée exclusiment au marché (déjà) qui consisterait à construire uniquement le tronçon immédiatement rentable de Paris-Caen en sacrifiant le tronçon Caen-Cherbourg qui risquait d'être déficitaire !"
Bien que conservateur et libéral, Tocqueville est avant tout pour la décentralisation et avant de promouvoir la Liberté d'entreprendre, il privilégie l'égalité des régions.
"Il défend alors une logique d'aménagement du territoire dans le sens des régions les moins favorisées, soucieux de les doter de voies de communication rapides, permettant aux productions locales de gagner le marché parisien".
Au XIXe siècle donc, deux logiques se partageaient la part du lion, l'une relative aux lois du marché et l'autre à la participation de l'Etat dans le cadre de cette décentralisation économique et sociale.
Rappelons-le le chemin de fer, pour des raisons de choix économiques purement et simplement, à mon sens en tout cas, était une affaire privée et afférente à l'industrie privée et aux affaires commerciales. "On ne construit des voies de fer que là où le capital engagé doit produire des intérêts considérables. Les considérations politiques, les vues d'administration, les principes d'économie sociale n'occupent ici qu'un rang très secondaire. (...) Il y en a d'autre, suivant lequel l'Etat se charge, en toute ou en partie, de la confection des chemins de fer et où la nation entière réunit ses ressources pour cet objet.
Dans ce cas, ce n'est plus l'intérêt du capital engagé qui devient la cause déterminante de l'entreprise, ce sont des pensées du gouvernement, c'est le besoin de la défense nationale, c'est le développement général des ressources du pays, l'accroissement de son commerce, la propérité relatives de toutes ses parties (ibid., pp.626-627.)"...
De terminer ici en rajoutant que Tocqueville n'avait d'autre volonté plus forte que celle de voir l'Etat respecter l'égalité entre régions ; ce, en plaçant sur un égal pied d'équilibre ces dernières, dans l'intérêt seul, non national et particulier, mais dans un objectif d'équité économique et sociale (l'égalité) ; qui ne viendrait pas contraindre telle ou telle autre région de s'équiper (soit disant pour son bien être) concomitamment à une augmentation de charges sociales localement "consentie" par exemple, alors qu'elle n'en a pas exprimer ni le besoin ni la volonté !
Le seul objectif acceptable étant la prospérité locale avérée, justifiée de fait dans chacune des "grandes régions du territoire". Cette manifestation politique confirmée par le fait que "la logique économique ne peut-être suffisante et qu'il faut rétablir l'égalité départementale devant le développement industriel, et, partant, l'égalité des citoyens..."
Pause...avec les Deschiens : ça faisait longtemps
Reprenons, si vous le voulez-bien...
Ce bref préambule étant posé, plaçons les choses maintenant dans un contexte contemporain, disons général ; contentons-nous de le décrire comme étant mondialisé, et pour la France, le grand Sud-Ouest, la région Aquitaine, le Lot-et-Garonne, les cantons et les communes qui seront traversés par ce projet de ligne LGV (bouleversés dans leurs équilibres naturels, environnementaux, comme économiques et sociétaux), sans volonté toutefois particulière de vouloir comparer ou trouver une même problématique, il ressort cependant quelques similitudes historiques perceptibles.
En sus de l'ère du temps néo-libérale a minima, prenons si vous le voulez-bien comme postulat une volonté nationale disons, "recentralisatrice", avec un point d'orgue basé sur l'économie d'échelons intermédiaires tant dans le fonctionnement que dans son approche, avec pour exemple la suppression des cantons annoncés...
A commencer par le contexte politique, où, si l'on fait abstraction du régime et des conflits de l'époque (affrontements des doctrines entre le Monarchisme, la Restauration, le Républicanisme de la fin de la Ire République au second Empire et le libéralisme toujours bien d'actualité), l'on peut constater aisément que rien n'a vraiment changé en l'espèce aujourd'hui.
Ayant balayé toute autre possibilité politique (collectivisme modéré, communisme modernisé, socialisme pourquoi pas avec une vraie place du service public et du devoir régalien de l'Etat fort) bloqué donc entre conservatisme, socialisme libéral et ultra-libéralisme, la France reste partagée, n'ayant rien trouvé de "mieux" ou plus probant, que la conservation d'un régime Constitutionnel obsolète, avec la Ve République ; ce, pour pallier une inertie à mon sens seulement préoccupante.
Le contexte local départemental est assez similaire de l'époque que nous avons brièvement décrit ici ; point de vraie démocratie participative ou représentative, avec une hégémonie réelle par le truchement du cumul des mandats.
Des députés-Maires, conseillers généraux, présidents de communauté de communes en charge de multiples portefeuilles et autres mandats locaux, présidents de ci, responsables de ça, rien de bien trancendant en effet au niveau du changement, après deux siècles passés.
Entre les élites de la noblesse ou de la bourgeoisie tels que MM. Dionis du Séjour (1956), ingénieur, président de la communauté d'agglomération et député-maire d'Agen, libéral de centre-droit, ou M. Cahuzac (1952), chirurgien, lui-aussi député-maire de Villeneuve sur Lot, "socialiste de droite" qui n'ont, tous deux, d'autre objectif inavoué et inavouable à mon sens, que de devenir Ministre dès que possible. M. Pierre Camani (1952) ensuite, chargé de mission du Conseil régional, président du conseil général, président de la communauté de commune du pays du Trec et de la Gupie, président du SIVOM de Seyches et conseiller municipal de Puymiclan, passe sur le "préfet " Diefenbacher...Tous quatre ayant sans conteste, non la volonté de servir la République, leurs électeurs, la démocratie et leur département mais bien de servir des intérêts "particuliers", et de trouver dans leurs mandats locaux ou parlementaires le tremplin indispensable à leur accession suprême et parisienne !
De l'autre côté et celui d'une poignée d'indignés, non encore totalement résignés de cette démocratie absolue, une levée de boucliers populaire sans précédent dans le département. (avec l'association "Très grande vigilance en Albret").
En outre, et dans le cas qui nous intéresse ici, tous s'accordent à vouloir "investir" dans le sens seul de l'égoïsme, en l'occurrence celui qui consiste à refaire des dépenses pour un investissement sans réel intérêt pour le département d'une part, car sans bénéfice de prospérité et sans non plus d'intérêt pour ses habitants.
En somme, une ligne LGV au seul fin de gagner du temps pour traverser le Sud-Ouest sans réelle contrepartie pour les usagers locaux des départements traversés. Ouverture sur l'Europe et la mondialisation pour quelques privilégiés pressés et aisés...Les Lot-et-garonnais étant les nouveaux "indiens" parqués dans la réserve "Sud-Ouest", que quelques touristes regardent en traversant la réserve à très grande vitesse !
Alors que le ferroutage reste lettre-morte, que les gares de proximité ont fermé leurs portes, les unes après les autres, ce entraînant des difficultés de circulation et d'entretien des routes, du fait de l'augmentation et ou de la récurrence du traffic commercial qui endommage le réseau local.
Passe sur les augmentation autoroutières, du fait de la privatisation des autoroutes !
De fait, un contexte social et économique actuel extrêmement difficile pour la ruralité, tenant compte du désengagement de l'Etat sur la décentralisation d'une part, mais aussi du coût devenant prohibitif pour tous déplacements à l'intérieur comme à l'extérieur du département, pour les particuliers comme les entreprises ; l'Etat ne cesse de se désengager sur tous les secteurs et en particulier sur les services publics (écoles, logement, énergie, santé, armée, consommation...) ou sur les aspects économiques forts tels que l'agriculture à titre d'exemple pour notre département.
Il semble que les craintes du XIXe siècle n'aient pas évolué ; il semble que l'Etat continue à ne pas prendre en considération le pacte Républicain, pacte selon lequel tous les départements, toutes les régions françaises devraient être égales entre-elles, que tous les citoyens puissent jouir des mêmes droits et des mêmes devoirs. Utopie que cette vision démocratique.
Au lieu de cela, seules les régions à forts potentiels économiques, les villes de grandes démographies trouvent grâces à ses yeux.
Transports en commun, hôpitaux, accès à la médecine générale et à la médecine spécialisée, services divers, dont les accès sont de plus en plus prégnant dans les grandes agglomérations ; quand le moindre déplacement devient un véritable casse-tête en ruralité (augmentation du prix des carburants légitimée par la pollution ou le déficit de la matière première, des énergies en général, du sanitaire de plus en plus inquiétant, du fait de manque de médecin ou des monopoles pharmaceutiques ; de l' accès à la culture et à l'enseignement, précarisé du fait des regroupements pédagogiques, des fermetures d'école et de l'éloignement des établissements, entre Toulouse et Bordeaux à titre d'exemple pour les étudiants enclavés...
Les intérêts particuliers prennent le pas sur l'intérêt général.
Alors que les axes routiers et le rail régional auraient besoin d'investissements pour désenclaver le département, les élus départementaux voudraient investir pour l'Europe, ou pour eux-mêmes, c'est simplement ubuesque et un déni de démocratie !
Une LGV, à l'heure actuelle, dans cette configuration et dans l'état de notre société, n'est pas synonyme de progrès, loin s'en faut !
(1) Alexis de Tocqueville "Textes essentiels Anthologie critique par J.-L. Benoît Agora - Pocket n°223.
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